Le paradoxe d'être Maman.

Tu ne le mesures pas, tant que tu n'as pas eu un Bébé dans ton ventre. Tu ne t'en rends même pas forcément compte quand Loulou est là, devant toi, sur ses petits pieds. Mais il est forcément là. Plus ou moins fort. Le paradoxe d'être Maman.

Ça commence tout bêtement. Un bidon devenu bien lourd, un certain empressement à voir sortir son petit bout de chou...
Et puis tu regardes ton ventre, tu le caresses, tu poses tes mains dessus et tu ressens les petits coups : t'aimerais quand même qu'il reste dedans encore un petit peu. Juste un petit peu. Bien au chaud.
Mais zut, quoi. Oui, tu veux l'avoir et le voir. Toujours contre ton cœur. Bel et bien dans tes grands bras. Bien au chaud.

Et puis, le petit bout grandit. Tu alignes les tétées ou les biberons, et tu imagines déjà son premier petit pot. Carotte ? Petits pois ? Ou potimarron ?
Les premières purées passées, les rires devant ses prouts de bouche zappés, t'en as plein le haricot de finir verte de la tête aux pieds.  
Et puis tu te changes. Rien de grave. Il est tellement drôle de le voir ouvrir la bouche tout rond comme un O. Il est tellement marrant avec toutes ses mimiques quand il goûte une nouvelle saveur. Il est tellement beau à (essayer de) manger comme un grand.

Et puis, le petit bout grandit. Il te sourit, il lui sourit, il leur sourit, de toutes ses gencives. T'as hâte que ses petites dents sortent pour qu'elles ornent sa bouche façon guirlande clignotante. T'aurais presque envie de les afficher tels des trophées : "Mon Bébé a deux dents !". Je le sais, je l'ai fait.
Viennent alors ses coups d'essai pour goûter le bras du grand frère ou le ventre de la grande sœur. Je le sais, je l'ai fait. Oui, j'ai mordu le ventre de ma grande sœur. Ça a quelque chose de trop mordant les dents, ça fout un peu les pétoches. Grande sœur a peur de prendre mon Bébé dans les bras depuis qu'elle a deux dents.
Mais bon. Les gencives toutes nues, c'est pas terriblement joli. Et t'as quand même bien envie de lui raconter l'histoire de la petite souris.

Et puis, le petit bout grandit. Alors que tu passes ton temps avec ton symbiote agrippé à ton bras, à le poser un coup dans le parc, un coup dans le transat, un coup sur son tapis d'éveil, t'as hâte qu'il mette un pied devant l'autre. Tout seul.
Ça va vite, très vite, trop vite. Dès sa première journée à gambader partout, t'en as plein les pieds, tu n'en peux plus de lui courir après.  
Il avance, il avance, c'est une évidence...

Et puis, le petit bout grandit. Le langage Bébé, c'est mignon, mais ça va un moment. Et si Bébé disait son premier mot, ce serait tellement beau !
Le premier mot, la première phrase, le grand déballage. Au milieu d'une foule, ton petit trésor qui sort un magnifique : "Mamaaaaaaaaaan, a fait caca moi !". Il n'était pas si mal le temps des "da-da-da" et autres "agueuh".
Tu le regardes. Tu l'entends. Tu l'écoutes. Plus besoin de lui poser 36001 questions. De sa toute petite voix, il exprime le fond de ses pensées, il explique ses petites idées, il façonne sa personnalité.

Et puis, le petit bout grandit. Tu lui tends feuille et crayons, et espères qu'il fera autre chose que des gribouillis. Tu lui montres même comment s'écrit son prénom.
Tu vois alors ta maison changer, prendre d'autres couleurs. Les meubles de la maison se souviendront à jamais de ses premiers coups de feutres.
Après tout, est-ce que Picasso a eu besoin d'être compris par tous pour être élevé au rang d'artiste ? Qu'importe le support, qu'importe, ton enfant est le plus grand des artistes à tes yeux.

Et surtout surtout, ton petit bout, ton tout petit bout... T'as bien envie de lui mettre des vêtements plus grands... Mais... Purée (oh oui, purée !), qu'est-ce que t'as mal au cœur, qui se serre, qui se serre, qu'est-ce que t'as mal au cœur de ranger ses vêtements trop petits dans un carton...

Et on a envie d'imaginer un temps qui s'accélèrerait.  Pour le voir marcher, parler, gribouiller,..
Et on a envie d'imaginer un temps qui s'arrêterait. Un Bébé qui reste bébé... pour la vie.

Et on le regarde grandir...

Grandis ma Nana, grandis...
Mais pas trop vite steplé... 
Maman te regarde...
Mais elle n'a pas prévu assez de cartons...